+41 79 279 02 16 authentique@bluewin.ch

Depuis toujours attiré par l’art. Photographies, peintures, sculptures, aller voir des expos…C’est donc naturellement qu’en parallèle à ma pratique de décorateur d’intérieur, j’ai cherché comment faire de la place, une grande et belle place, à la créativité. Le domaine pédagogique m’a aussi titillé, ce qui s’est concrétisé par une formation de maître d’apprentissage, puis d’expert enfin, de formateur d’adultes.

En 2017, j’ai découvert le jeu de peindre lors d’un stage en tant qu’art-thérapeute à l’hôpital psychiatrique de Moutier à la suite de quoi, je me suis formé pendant 11 jours auprès d’Arno Stern. C’est là que j’ai également rencontré son fils, André. C’était l’année de la publication de son magnifique livre ouvrant à une nouvelle conscience envers nos enfants : « JOUER faisons confiance à nos enfants » …Il avait déjà écrit en 2011 « Et je ne suis jamais allé à l’école » …

Ma formation, ces lectures et la rencontre avec André, m’ont confirmé que mes propres intuitions sur la pédagogie étaient fondées. La passion pour le jeu de peindre, qui est bien plus qu’une méthode, n’a fait que grandir. De retour chez moi, j’ai tout entrepris pour installer un jeu de peindre au Val-de-Travers. L’atelier « À l’infini » closlieu pour le jeu de peintre fonctionne depuis une année.

Pour commencer, je vais vous brosser un petit portrait en quelques points clés. A la fin de l’article, vous retrouverez des liens vers les publications d’Arno Stern et d’André Stern, une série de vidéos explicatives, un film documentaire, ainsi que mes conclusions.

Le lieu clos
Arno Stern a d’ailleurs appelé son atelier le « Closlieu ». Pratiquement, c’est bel et bien un endroit sans fenêtres apparentes. Des enfants, adolescents et adultes de tout âge se retrouvent donc dans une pièce borgne mais très colorée, bien éclairée, les murs étant recouverts de peinture. Cette peinture est aussi le fruit des « débordements » qui s’opèrent lorsque les participants peignent, et vont « au-delà » de la feuille.
 (Crédit photo : atelier « À l’infini » de Môtiers)

Le but de ce lieu clos c’est de permettre aux participants de se libérer de la stimulation de l’extérieur, se concentrer sur ce qu’ils ont BESOIN de peindre, et non sur ce qu’il plairait/conviendrait de peindre. Cela leur permet de peindre quelque chose de leur monde intérieur, pour quitter l’expression apprise.

« Imaginez ce lieu soustrait aux pressions de la vie quotidienne ! Imaginez la réunion, en ce lieu, d’une douzaine de personnes qui ont désappris la compétition parce que ce qui s’affirme ici, ce sont leurs différences – différences d’âges, de personnalités, d’origines. Imaginez enfin une activité qui a les vertus du jeu et le sérieux d’une tâche sur laquelle se concentre toutes les facultés de l’être ! » 

Arno stern

Un jeu, pas un cours de peinture

« Du jeu dans le Closlieu ne résultent pas des œuvres regardées par d’autres et faites pour véhiculer un message, mais une trace sur la feuille dont l’émergence, à elle seule, apporte un entier plaisir à celui qui la laisse se produite »

Arno Stern

Le but du jeu de peindre n’est pas de transmettre une technique artistique

Apprendre à utiliser un fusain, dessiner un oiseau, maîtriser la peinture à l’huile… Tout cela relève du cours de peinture ou de dessin. Ici, dans ce lieu clos et protégé, l’objectif est de libérer la spontanéité du geste créatif, la trace et la personne qui peint. Aucun impulse n’est jamais donné, en tant que participant, nous sommes libres de peindre tout ce que nous voulons, sans jamais qu’aucun commentaire ne soit fait sur notre peinture.

La peinture n’est jamais jugée

Pour que la trace se libère, il faut qu’elle soit préservée du commentaire, du regard extérieur qui, automatiquement, jugera (l’Homme est ainsi fait). Nous n’interprétons pas non plus (il a utilisé du noir sur sa feuille, ça veut dire quoi ?).

Les peintures restent toujours à l’atelier 

Les peintures ne sortent jamais de l’atelier. Vous ne pouvez pas les ramener chez vous, les montrer à quelqu’un, ni même les photographier pour en garder un souvenir. Cela peut être très frustrant pour certains parents, qui aiment regarder les peintures de leurs enfants. Cela peut même vous paraître frustrant pour vous-même, rien qu’à vous imaginer ne pas pouvoir ramener votre peinture… Arno Stern aime citer l’exemple du château de sable que la mer emporte avec la marée et que l’on reconstruit sans fin, différemment, avec le même plaisir. Il s’agit bien là de révéler le processus créatif sans s’attacher à ce qui est produit, afin de pouvoir reproduire ce processus dans n’importe quelle situation.

Au-delà de la feuille
Ce qui est très libérateur également, c’est que le participant peut ajouter des feuilles et agrandir son expérience à l’infini. C’est libérateur parce que symboliquement, nous ne sommes pas limités et conditionnés au format de la feuille. C’est ainsi qu’il peut se produire des fresques de plusieurs mètres de long et de haut.
(Crédit photo : Arno Stern)

Le rôle de l’animateur

La personne qui anime l’atelier, en réalité, n’anime pas, elle sert : pourvoir les godets en peinture, donner un godet propre pour les mélanges, ajouter une feuille… Arno Stern a appelé cette personne « le servant », au sens de celui qui sert. Ce n’est absolument pas péjoratif, bien au contraire. Pour que l’expérience se passe bien, il faut que la mécanique soit bien huilée, que l’organisation soit fluide et qu’il ne manque de rien, il est attentif à chacun… mais le servant n’a absolument pas de rôle sur l’expérience individuelle même.

Une pratique individuelle et une danse collective

Nous sommes donc dans un espace clos mais coloré, dans lequel une douzaine de personnes peignent en silence. Pourtant il y règne beaucoup de joie.

Chacun peint en fonction de ses nécessités intérieures, tout en prenant l’autre en compte dans un mouvement collectif de la table palette à sa feuille. Le jeu de peindre se pratique debout, pour libérer le corps totalement de ses entraves et l’expression créatrice (en sortant de l’aspect « scolaire » de la position assise à une table). Nous sommes assez serrés, dans le jeu de peindre, les feuilles des uns sont quasiment collées aux feuilles des autres. Cette promiscuité n’est pas gênante, elle favorise au contraire cette danse collective, qui étrangement ne gêne absolument pas pour plonger dans une concentration très intense et reposante. En plus de l’expérience personnelle que nous vivons dans le jeu de peindre, cette expérience sociale construit (ou répare) quelque chose de très fort : l’individu se réalise AVEC les autres, non pas contre eux. Cela permet donc de se déconditionner progressivement de la comparaison et permet un processus d’autonomisation très fort.

J’apprécie particulièrement cette dynamique sociale que contient le jeu : le mélange des âges. Les participants sont accueillis à partir de 3-4 ans, et il n’y a pas de limite. Ce qui fait, pour moi, du jeu de peindre non seulement une expérience sociale, mais aussi et surtout une expérience de vie.

Si vous souhaitez en savoir plus, je vous laisse plusieurs ressources ci-dessous.

« L’art de peindre appartient aux artistes. Le Jeu de Peindre appartient à tous les autres. Par le Jeu de Peindre, tout être humain est capable d’exprimer ce qui ne pourrait être manifesté par aucun autre moyen. Mais pour que la trace ait cette vertu, elle doit se produire dans des circonstances appropriées. » (Présentation de l’éditeur)
Ce livre présente toutes ces conditions particulières et appropriées pour laisser émerger la trace.

« Le jeu est pour l’enfant la manière la plus directe de se connecter à la vie de tous les jours, à lui-même et au monde. Pour l’enfant, le jeu libre est une nécessité. Une prédisposition, un penchant, souvent un impératif. Il est, pour l’enfant, un accomplissement profond. » André Stern. Ce dernier est l’auteur de « … Et je ne suis jamais allé à l’école »

Ce livre, qui raconte l’histoire d’une enfance heureuse, comble une lacune : jusqu’ici, personne ne savait ce qu’il advient d’un enfant qui, profondément enraciné dans notre société et sa modernité, grandit loin de toute scolarisation, sans stress, sans compétition, sans programme préétabli ni référence à une quelconque moyenne.

Alphabet (108 mn) 2015

Les méthodes pédagogiques utilisées pour éduquer nos enfants ne sont-elles pas dépassées ? De la France à la Chine, de l’Allemagne aux États-Unis, Alphabet questionne un système éducatif qui privilégie la performance au détriment de la créativité et de l’imagination.
En exposant au grand jour les limites d’un modèle hérité de la révolution industrielle, pédagogues, chercheurs, scientifiques, chefs d’entreprise et élèves abordent le rôle de l’enseignement et envisagent des voies alternatives à nos pratiques actuelles.
Après We Feed The World (sur la crise alimentaire) et Let’s Make Money (sur la crise financière), Alphabet clôt « la trilogie de l’épuisement », comme l’appelle son réalisateur Erwin Wagenhofer.
Avec : Sir Ken Robinson, Arno Stern, Gerald Hüther, André Stern

Alors que notre société se questionne en profondeur sur le réchauffement climatique et les ressources naturelles. Elle devrait aussi s’intéresser avec le même empressement à l’écologie de l’humain, car il est déjà constaté et malheureusement avéré depuis fort longtemps que nos enfants perdent de plus en plus de leur spontanéité. Le jeu de peindre est une expérience unique, trop peu connue à mon goût qui trouve sa place dans la cohésion sociale de notre société et dans un nouveau système éducatif.

C’est pour tout cela que je me suis engagé à créer cet espace et pour avoir la joie de vous y accueillir.

                                                                                               Olivier Sidler

%d blogueurs aiment cette page :